Depuis l’arrêt de lavente de cetherbicide auxparticuliers, lesannonces illégales fleurissent – notamment sureBay et leBonCoin.
«Depuis quelques mois, nous rapporte une lectrice, je remarque de nombreuses annonces sur le Bon Coin pour des produits phytosanitaires interdits en France, ou dont la vente est supposée être encadrée et réservée aux professionnels agréés (dont le glyphosate).»
Le problème n’est pas nouveau: en novembre2019, l’association Eau et Rivières de Bretagne déposait une plainte contre Amazon et eBay «après avoir réussi à commander très facilement plusieurs bidons de pesticides interdits». Depuis le 1erjanvier2019, la loi Labbé interdit en effet aux particuliers l’achat, l’utilisation et la détention de telles substances – et notamment de glyphosate, un herbicide classé cancérogène probable par le Centre international de recherche sur le cancer.
Des pesticides principalement produits enEspagne
Eau et Rivières de Bretagne ne sait pas si sa plainte a été transmise au procureur. Dominique LeGoux, la chargée de mission santé et environnement de l’association, aremarqué qu’«eBay et Amazon avaient fait du nettoyage sur leurs sites. Mais les choses bougent vite».
Nous avons ainsi relevé des annonces illégales sur eBay et le Bon Coin. L’essentiel des produits vendus sont fabriqués en Espagne, comme le Radikal, le Tragli Gold ou encore le Glifae36, qui contiennent 36% de glyphosate. Pour l’Herbicida Total Concentrado, de la marque Flower, cette teneur s’élève à 68%.

copie d’écran leboncoin.fr
Un vendeur nous a confirmé que nous pouvions, en tant que particuliers, lui acheter du Glifae36. Mais qu’il serait impossible de le récupérer en mains propres dans la ville indiquée sur l’annonce, car les produits sont expédiés directement de l’entrepôt «près de Bayonne».
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Un trafic monté par des réseaux très organisés
Il semblerait donc que les produits ne transitent pas chez les vendeurs, situés aux quatre coins de la France, mais soient envoyés directement depuis des entrepôts proches de la frontière avec l’Espagne.
«Ce sont souvent des produits espagnols ou allemands, car la réglementation de ces pays est moins lourde, confirme Matthias Choquet, adjudant à la cellule environnement du groupement de gendarmerie des Côtes-d’Armor. Ce sont des réseaux très organisés, qui importent ces produits et pratiquent le dropshipping», une technique de vente où c’est le fournisseur, et non le vendeur, qui gère les stocks et les livraisons.
Depuis plus de six ans, le gendarme prend en charge les signalements concernant son département et travaille avec l’Office français de la biodiversité (OFB), qui gère les dossiers d’ampleur nationale. L’OFB n’a pas donné suite à notre demande d’interview, car «des actions judiciaires sont en cours sur cette problématique».
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Même les acheteurs peuvent être poursuivis
En attendant le démantèlement de ces réseaux illégaux, «les vendeurs, et même les acheteurs, peuvent être poursuivis, met en garde Matthias Choquet. Les peines qu’ils encourent dépendent des parquets, mais cela peut aller loin». L’adjudant assure que les plateformes de vente en ligne jouent le jeu en retirant rapidement les annonces en cause.
Le Bon Coin nous indique avoir «mis en place des filtres, des mots clés notamment, afin de repérer les annonces frauduleuses qui contiennent du glyphosate». La plateforme déclare réaliser des contrôles automatiques via des algorithmes. En cas de signalement, un conseiller «va regarder s’il s’agit bien d’une annonce illicite et/ou contraire à nos règles de diffusion et la supprimera dans un délai de 48heures maximum».
«Les annonces réapparaissent aussitôt»
Mais cela ne semble pas suffire, comme en témoigne notre lectrice: elle a «beau signaler ces annonces et les profils des vendeurs, rien n’est fait, ou les annonces enlevées réapparaissent aussitôt avec une formulation différente pour éviter les signalements».
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Alors comment faire, concrètement, pour faire cesser ces annonces? Matthias Choquet suggère de les signaler à la gendarmerie de la zone du vendeur. Mais pour que les autorités puissent réaliser une saisie, encore faudrait-il des stocks chez ce dernier… «C’est un puits sans fond», déplore le gendarme.